Comment mieux célébrer ici le Nouvel An lunaire et l’entrée dans l’année du singe de feu qu’en vous parlant de la toute jeune Revue Jentayu qui fait résonner les voix littéraires d’Asie ?
Jentayu est une revue semestrielle, née en janvier 2015, qui propose, autour d’un thème, des poèmes, nouvelles, extraits de romans, etc. d’auteurs asiatiques en traduction française, mais aussi un carnet photographique et de superbes illustrations. Autrement dit, à travers différentes formes d’expression, cette revue nous ouvre les portes d’un continent encore peu connu du reste du monde, souvent fantasmé, imaginé à travers des clichés, abordé de façon superficielle.
Cette revue donne aussi bien la parole à des auteurs connus et reconnus chez eux et au-delà, déjà traduits, qu’à de jeunes plumes encore confidentielles. Elle nous fait ainsi pénétrer dans les Asies (oui, comme tous les continents, l’Asie est plurielle) contemporaines, celles d’aujourd’hui, vibrantes, aux cultures diverses souvent juxtaposées sans se mélanger, celles qui rêvent, celles qui souffrent aussi, cellent qui vivent à 100 à l’heure, celles qui se heurtent aux désillusions, celles qui veulent se faire entendre dans le monde. Jentayu nous permet de rencontrer des plumes talentueuses et des voix qui marquent. Une fois la revue fermée, on a envie d’aller en librairie commander des ouvrages pour poursuivre le voyage …
Mais avant de franchir le seuil de la librairie, on peut déjà se rendre sur le site internet de la revue qui est le prolongement/complément de la version papier. En effet, cet espace offre des entretiens avec les auteurs/traducteurs/éditeurs, des notes de lecture, des extraits et d’autres articles permettant d’approfondir l’expérience de lecture.
Jentayu, c’est aussi, à chaque numéro, un photographe présenté dans un carnet en noir et blanc au coeur de l’ouvrage ; et un illustrateur dont les oeuvres tracent un joli fil rouge à l’ensemble des textes et empreint le numéro d’une ambiance, d’une atmosphère particulière.
Bienvenue sur les terres littéraires d’un bel oiseau mythique !
Le 1er numéro de la revue fait la part belle à la jeunesse de ce continent et à ses questionnements identitaires. Identités culturelles, religieuses, orientation sexuelle, rang social, place dans la société, avenir. C’est à une immersion au coeur de tous ces thèmes que nous invite cette édition.
Les illustrations-rébus de Munkao (Malaisie) apportent beaucoup de poésie à l’ensemble.
J’ai été particulièrement saisie par la nouvelle « En attendant Maman » d’Azhari (Indonésie), touchée par le souffle poétique de la nouvelle « Flamme de la forêt » de Shivani Sivagurunathan (Malaisie) et j’ai eu un gros coup de coeur pour les trois poèmes mongols, aux accents chamaniques pour certains, présentés dans ce numéro. J’ai décidé d’en mettre un en voix et en son et je vous le propose ici :
Dès la couverture, le 2ème numéro prend des allures de polar. Les textes et les illustrations font bloc autour du thème des villes et de leur violence. La violence ici est souvent physique, certes (entassement dans de tout petits immeubles, pollution, criminalité, prostitution), mais aussi psychologique (résignation, pauvreté, travail abrutissant, troubles psychologiques). L’une alimentant l’autre et vice-versa.
Les encres et aquarelles de Likhain (Philippines) sont d’une tendre brutalité qui s’harmonise parfaitement avec les textes.
Le « Smog » empreint de poésie délicate de Chen Qiufan (Chine) m’a subjuguée, mais c’est le « Splendeur fin de siècle » de Chu Tien-wen (Chine Taïwan) qui m’a donné de très fortes émotions de lecture : couleurs, odeurs, plantes séchées, atmosphère oscillant entre herboristerie et antre de gentille sorcière, travail manuel, murmures de tissus et d’étoffes, défilés de mode, soupirs des réminiscences. Tout m’a parlé dans cette nouvelle à la délicieuse mélancolie qui donne envie de mettre sa bouilloire sur le feu et d’aller cueillir des herbes et des fleurs au jardin.
En outre, ce numéro présente des textes de trois poètes malaisiens dont un de Sheena Baharudin qui m’a particulièrement parlé. J’ai ainsi découvert cette poète et artiste de spoken word et j’ai eu un coup de coeur pour son travail. Voici une vidéo d’une performance intitulée « Negaraku ». Ce mot signifie « Mon pays » et désigne aussi l’hymne national malaisien :
Le 3ème numéro de la revue vient de paraître, consacré au thème « Dieux et démons » :
Je ne l’ai pas encore lu, mais je suis certaine qu’il va à nouveau m’offrir d’agréables et intéressants moments de lecture. En attendant, je vous propose un entretien avec Jérôme Bouchaud, éditeur et directeur de publication de la Revue Jentayu :
Papillons de Mots : Jérôme, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ou quelques lignes à mes lecteurs ?
Jérôme Bouchaud : Je suis un Français expatrié en Asie depuis 13 ans, dont 8 ans en Malaisie. Depuis la fin 2014, je gère une petite maison d’éditions du nom de Jentayu (un oiseau mythique tiré du poème épique du Ramayana), qui se consacre à la promotion d’auteurs et de formes littéraires originaires d’Asie mais méconnus sous nos latitudes.
PdM : Vous vivez en Asie depuis plusieurs années. Qu’est-ce qui vous a attiré sur ce continent et qu’est-ce qui vous y a retenu ?
JB : Diplôme de commerce en poche, mon tout premier job se trouvait en Chine, un pays qui m’attirait depuis mon adolescence et dont j’avais commencé à apprendre la langue lors de mes années lycée. J’y suis resté cinq ans, à travailler principalement dans le domaine de l’import-export et à profiter de mon temps libre pour découvrir plus en profondeur cet immense pays. J’ai aussi eu l’occasion de visiter quelques pays voisins de la Chine et mon intérêt pour la région s’en est retrouvé renouvelé, amplifié. Depuis, je me suis installé en Malaisie et je continue de sillonner le continent autant que possible.
PdM : Comment est née l’idée de la Revue Jentayu ?
JB : L’idée de la revue est née justement de la reconnaissance de cette diversité des influences et des trajectoires suivies par tous les pays du continent asiatique, et de la richesse des voix littéraires et des histoires qui en émergent. J’ai vite réalisé que très peu d’écrits contemporains étaient disponibles en traduction pour les lecteurs francophones, hormis le travail remarquable déjà mené par les Editions Philippe Picquier et quelques rares autres maisons d’édition, notamment Decrescenzo pour la littérature coréenne. Il y a aussi les excellentes ressources mises en ligne par l’équipe universitaire d’IDEO (Impressions d’Extrême-Orient). Mais beaucoup de pays n’étaient pas représentés dans ces publications et j’avais envie de donner un peu plus de visibilité à ces pays laissés à la marge. J’ai eu la chance que mon projet soit très bien accueilli par les traducteurs littéraires spécialisés sur la région. Sans eux, sans leur enthousiasme et leur générosité, la revue n’existerait pas.
PdM : Comment choisissez-vous les thèmes de chaque numéro ?
JB : Les thèmes de chaque numéro sont décidés en petit comité dans l’espoir qu’ils suscitent un intérêt auprès des traducteurs et leur permettent de trouver matière originale à traduire. Le but est aussi d’aborder ce continent littéraire sous des angles variés, relativement peu explorés, voire même à l’avenir complètement inattendus.
PdM : Y aura-t-il bientôt des documents audio/vidéo sur le site de la revue ?
JB : Oui, je compte effectivement travailler à l’ajout de documents vidéo et audio sur le site – en plus des notes de lecture, des entretiens et des biographies déjà disponibles – afin de permettre aux lecteurs de s’imprégner davantage des textes, par exemple en écoutant un extrait lu par l’auteur dans sa langue originale. Pour l’instant, je mets en ligne des vidéos dénichées sur YouTube s’il y en a mais, à terme, le but est bien de produire du contenu spécifique à Jentayu.
PdM : La revue est assez complète et présente de la poésie, des nouvelles, des extraits de romans, de la photographie, des illustrations, etc. Y aura-t-il un jour également de la BD ?
JB : A vrai dire, il a failli y avoir de la BD dans le numéro 2 Villes et violence ! Finalement, cela n’a pas pu se faire pour des raisons de droits de reproduction mais la BD a tout à fait sa place dans les pages de la revue. Tous les types de littérature y sont les bienvenus et j’espère vraiment avoir la possibilité de publier les travaux d’un artiste asiatique de bande dessinée dans le cadre d’un prochain numéro.
PdM : Un mot à rajouter ?
JB : Notre numéro 3 vient de sortir sur le thème Dieux et démons avec une nouvelle fois une grande diversité de pays représentés. Notre numéro 4 est lui prévu à parution l’été prochain sur le thème Cartes et territoires. Passez donc nous rendre une petite visite sur notre site et sur ceux de nos sites partenaires : Lettres de Taïwan, Lettres de Malaisie et Chinese Short Stories. Et bon nouvel an lunaire à toutes et tous !
Merci beaucoup, Jérôme. Et vous, chers amis lecteurs, j’espère que cette note vous aura donné envie de vous envoler sur les ailes de Jentayu. La revue est disponible en version papier (15,99€) mais aussi E-book (6,99€).
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[…] Janvier 2014. Via l’ancien blog (Encres du monde) de mon amie poète Claire-Lise Coux, je découvre le pantoun. Je suis immédiatement fascinée et je clique sur le lien vers la revue Pantouns. Je lis une bonne partie des derniers numéros publiés. Puis je passe une nuit à écrire et réécrire mon premier pantoun. Je décide de le soumettre à l’appréciation et aux commentaires du comité de lecture de Pantouns. C’est alors le début de ce qui deviendra une correspondance suivie et une belle histoire d’échanges pantouniques – mais aussi poétiques – et d’amitié avec Georges Voisset et Jérôme Bouchaud. […]