Vinohrady. « Les vignobles » en tchèque. Venir de Bordeaux et se retrouver à résider, pour une semaine, dans un quartier autrefois planté de vignes ! La vie est facétieuse parfois !
Lorsque j’ai choisi, sur Airbnb, la chambre qui allait m’accueillir pendant ce séjour pragois, je n’ai pas vraiment fait attention au quartier. Ce qui m’a d’abord attirée, c’est qu’elle avait l’air spacieuse et qu’elle était lumineuse ; ensuite, l’annonce indiquait qu’il y avait une station de métro à 3 minutes à pied avec notamment une connexion quasi directe vers l’aéroport, mais que, si on aimait marcher, on pouvait se rendre à pied partout dans le centre ville ; enfin, Markéta, l’hôtesse, un peu plus jeune que moi, m’a paru une personne intéressante et sympathique.
Ce n’est qu’une fois que la réservation était quasiment définitive que j’ai daigné prendre un plan de Prague et localiser l’appartement que j’avais choisi. Et j’ai été comblée. Comblée aussi en lisant en diagonale dans mon guide et ailleurs ce qui était dit de Vinohrady : quartier résidentiel autrefois bourgeois, aujourd’hui bohème, accueillant notamment beaucoup d’expatriés, comprenant d’innombrables bâtiments art nouveau, dont certains décorés par Mucha !
Eglise Sainte Ludmila sur Namesti Miru
Photo : Mariposa
Vinohrady. Je te découvre en ce vendredi matin par la Place Namesti Miru. Place de la Paix. Où se dresse, belle et fière, l’église Sainte Ludmila. Namesti Miru d’où rayonnent des artères dont les noms parcourent un planisphère : Italska, Anglicka, Jugoslavska, Rumunska, Belgicka, Americka, Francouzska … Pour moi, ce sera Belgicka. Mais je ne te connais pas encore, chère petite place, cher quartier, et je fais presque tout le tour de Namesti Miru avant de trouver ma rue. Ce n’est pas désagréable. J’en profite pour commencer à dévorer des yeux l’architecture si riche à la fois en couleurs, en moulures, en détails foisonnant que je me plairai à découvrir et redécouvrir à toutes les heures de la journée dans les jours à venir.
Vinohrady. J’ai passé mon après-midi à monter et descendre tes rues, souffle coupé par la beauté de tes façades. Au bout d’un moment, j’ai rangé le plan dans mon sac et j’ai décidé de me laisser guider par tes rues, d’aller où bon semblerait à mes pieds et mon regard, de me perdre dans ton dédale aux tons si vifs. Je n’ai pas pu détacher mes yeux de tes murs. J’ai eu beaucoup de mal à me raisonner pour arrêter de prendre en photo le moindre bâtiment, le moindre détail. Emerveillée comme une petite fille en tombant nez à nez avec des œuvres de mon tant admiré Mucha.
Vinohrady. Souffle rythmé par les cloches de Sainte Ludmila et celles des tramways, des plus vintage aux plus modernes. Tu m’as évoquée tout à la fois San Francisco, Lisbonne et Venise. Promenade traversée de parcs et jardins au vert bienfaisant, où le chant de l’eau caressée de farniente arrête le temps.
Eglise du Sacré-Coeur
Photo : Mariposa
Eglise du Sacré-Coeur
Photo : Mariposa
Et soudain, rupture architecturale. Entrée dans le monde moderne. Imposante église du Sacré-Cœur avec sa non moins imposante horloge qui la mange presque entière. Bâtisse aux tons froids qui semble narguer ses voisins aux vêtements bigarrés, chamarrés. Sur les bancs qui lui font une haie d’honneur, une épidémie de papys et mamies qui discutent, boivent une bière ou font du tricot. En bordure de la place Georges de Poděbrady, un petit marché de producteurs d’où proviennent des rumeurs de gaieté. On y picore fromage, charcuterie, viennoiseries et gâteaux, on y achète légumes, fleurs, vins et bières. Nouveau choc. On reste dans le monde moderne. On y entre davantage. Tour de télévision de Žižkov. Edifice original et impressionnant, certes. Mais ce qui m’interpelle davantage, c’est cette étrange œuvre qui grimpe le long de la tour. Les poupons géants de David Cerny, célèbre sculpteur tchèque contemporain, n’ont pas de visage, ce dernier a été remplacé par un code barre. Frisson. C’est mon premier contact avec le travail de cet artiste que je vais croiser à de multiples reprises au cours de mon séjour. Les « bébés » ne peuvent pas laisser indifférent. Leur regard absent vous fouille de l’intérieur. Je ne sais pas si j’aime. Je ne peux pas dire que je n’aime pas. Ca m’accroche en tout cas. A leur suite, je monte à l’assaut de la tour, mais moi j’emprunte l’ascenseur ! Trois salles pour trois panoramas sur la ville depuis des canapés ou des cocons bien confortables. Faire une rétro-métamorphose et redevenir une chenille, voire une larve.
Tour TV de Žižkov
Photo : Mariposa
Tour TV de Žižkov
& « Miminka Babies » de David Cerny
Photo : Mariposa
« Miminka Babies » de David Cerny
sur la Tour TV de Žižkov
Photo : Mariposa
Salle panoramique dans la Tour TV de Žižkov
Photo : Mariposa
Traversée rapide de quelques rues de Žižkov. Tours dans le style HLM. Quartier ouvrier. Quartier véritablement bohème où je croise des populations immigrées. Je suis dans un autre monde.
En traversant Zizkov
Photo : Mariposa
Et finir la journée dans le cimetière d’Olsany, plus grand cimetière de Prague. Atmosphère calme, paisible. Chaque tombe est un petit jardin. Ici, il n’y a pas de morts. Seuls des êtres qui se sont fondus dans le vivant en engendrant la nature et en s’y infusant. Même les statues semblent simplement endormies. On ressent presque comme une respiration.
Cimetière d’Olsany
Photo : Mariposa
Cimetière d’Olsany
Photo : Mariposa
Cimetière d’Olsany
Photo : Mariposa
Vinohrady. Monter. Descendre. Le nez en l’air. Le cou tendu. La vue, mais tous les sens aussi, à l’affût. Jamais je ne me suis lassée de t’arpenter. De jour comme de nuit. Quand la fête bat dans tes bars à vin et tes restaurants chics. Quand tes rues sont tout juste éclairées mais que tu restes accueillante, rassurante. Mon heure préférée pour te traverser restera celle de la fin du jour. Lorsque les lumières crépusculaires te poudrent de couleurs pastel et que de l’or apparaît sur l’église Sainte Ludmila.
Crépuscule sur Vinohrady
Photo : Mariposa
Crépuscule sur Namesti Miru et Sainte Ludmila
Photo : Mariposa