Jeudi dernier, j’ai eu la chance de passer l’après-midi sous le chapiteau du Cirque Romanès, unique cirque tsigane d’Europe. Et je n’ai pas boudé mon plaisir tout au long de ce joli spectacle intitulé « La Reine des Gitans et des Chats ».
De la musique, du chant, de la danse, des acrobaties, du jonglage, du trapèze, un chien, une chèvre, un clown, une danseuse sur corde, un duo aérien de corde lisse … Du rire, des larmes fugaces, de l’émotion, des battements de coeur, de la tendresse …
Bref, comme vous vous en apercevez, de très bons moments. J’ai été particulièrement touchée par la complicité qui semble unir toute cette grande famille qui communique en silence sur scène d’un hochement de tête, d’un regard, d’un geste. Pendant 1h30 (passée comme un souffle), j’ai à nouveau été émerveillée comme si j’avais dix ans …
Deux des artistes m’ont particulièrement émue. Et même inspirée. Voici le poème qui vient de naître des phrases que leur vol a fait danser en moi pendant leurs numéros :
Photo de Sacha Lyl
Source de l’image
Deux papillons sur un fil
Anges aux ailes noires
Deux éphémères entre le ciel et la terre
D’une yourte-chapiteau
La grâce descend lentement le long d’un fil
Doucement s’immobilise
Moment suspendu qui tournoie
Léger autour de la corde
Danse de libellules entre deux longs foulards
Corps à corps aérien
A fleur de peau
A fleur de baiser
Tango de voltige amoureuse
Leurs silences se parlent
Leurs complicités s’embrassent
Et les papillons deviennent chrysalides
Puis chenilles le long d’instants de soie
Et leurs corps fusionnés se liquéfient
Dans mon regard de larmes-tendresse.
Mariposa, à Barsac, le 30 décembre 2012 à 19h10
Il s’agit du duo aérien de corde lisse les Sélène, constitué par Laura de Lagillardaie et Olivier Brandicourt.
Ils m’ont vraiment émerveillée. Leurs numéros sont des moments de grâce, de tendresse et de poésie indescriptibles. Beaucoup d’amour aussi.
Et voici un – tout petit – bout du rêve qu’ils proposent :
Et un petit article qui leur est consacré.
Mais le Cirque Romanès, c’est aussi d’abord et avant tout le patriarche : Alexandre Romanès. Saviez-vous qu’en plus d’être circassien (ex équilibriste sur échelle et dompteur de fauve) et musicien (luth baroque), il est aussi poète ?
J’ai profité de mon passage dans son cirque pour acquérir ses trois ouvrages publiés aux Editions Gallimard :
Paroles perdues, 2004
Sur l’épaule de l’ange, 2010
Un peuple de promeneurs, 2011
Les deux premiers ouvrages livrent la poésie dépouillée et céleste d’Alexandre Romanès. Les textes sont très courts et reflètent sa philosophie de vie. Le troisième ouvrage rassemble des proverbes et histoires tsiganes, il s’agit un peu d’un journal où le poète a noté au fil des ans les phrases et réflexions qu’il jugeait bon de retenir. C’est un livre-mémoire en quelque sorte.
A noter que c’est la première fois qu’un auteur met son ouvrage dans ce sens pour me le dédicacer !
Quelques extraits :
Entre le monde et moi,
aucune réconciliation n’est possible.
Moi, je préfère l’oiseau
impassible sur la falaise
et qui s’élance dans le vide.
***
Ils portent le fer dans le ciel,
Ils construisent des murs partout,
pour chaque mouvement du bras, une loi.
S’ils pouvaient faire des parcelles
avec le ciel, ils le feraient.
Assis dans l’herbe
entre les fleurs et les reflets du ciel,
je les regarde courir dans tous les sens.
Ils n’avancent pas.
Pire : ils reculent.
(Paroles perdues)
***
Le ciel, donner et Dieu,
dans la langue tzigane,
c’est le même mot.
***
J’ai partagé le monde en deux :
d’un côté il y a ce qui est poétique,
de l’autre côté ce qui ne l’est pas.
Ce qui est poétique existe à mes yeux,
ce qui n’est pas poétique,
je ne le regarde même pas.
(Sur l’épaule de l’ange)
***
Proverbe gitan :
« Si tu es au fond du trou, arrête de creuser. »
(Un peuple de promeneurs)
Voilà, voilà.
Bordelais, il ne vous reste plus qu’une semaine pour aller rêver sous le chapiteau du Cirque Romanès !