Papillons de mots

Coup de coeur pour Maram al-Masri

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Il y a un peu plus de trois ans, je publiais cette note de lecture sur mon ancien blog au sujet de « Je te menace d’une colombe blanche », le si beau premier recueil de Maram al-Masri. Depuis, il y en a eu bien d’autres et mon coup de coeur se poursuit au fil de mes lectures !

Que dire de plus que ce que j’avais déjà dit dans cette note ? Peut-être vous dire que j’aime toujours autant son vers si concis et sensuel qui sait aller droit au but, avec quelques mots à la fois si simples et si beaux ? Peut-être juste vous transmettre les mots d’autres personnes avec lesquels je suis totalement en accord concernant Maram :

« Le vers est bref, clair, sobre, pour dire l’émotion contenue, la langue est celle d’un quotidien économe de mots. »
Alain-Jacques Lacot, Le Magazine Littéraire

« En confiant aux deux langues la profondeur de son écoute et la plénitude fragile de son chant, Maram al-Masri confère au français le statut de langue d’accueil pour les réfugiés poétiques. »
Vincent Rouillon, Mediapart

Quelques extraits des derniers ouvrages de Maram que j’ai lus :

« Le retour de Wallada »
Maram al-Masri
Dessins de Sébastien Pignon
Préface de Jean-Pierre Faye
Ed. Al Manar, 2010

Cité des contes et des oranges
Cité de paix et de chansons
Gagne-moi
Aime-moi
Laisse-moi jouir du miel de ta salive
Et m’abriter de ta lumière

***

L’Alhambra ne dort jamais
Ses yeux restent grand ouverts
Sur le vent la lune
Elle parle avec le ciel joue avec les étoiles
Supplie le sommeil qui la fuit
De revenir
Se tourne et retourne dans son lit
Parle à ses draps à ses couvertures
Et personne ne lui prête attention

***

Comment pourrais-je attacher à tes arbres
mes fruits
Et sur tes branches
mes fleurs ?
J’étais, je resterai seule
Comme un arbre qui a résisté au feu
et aux tempêtes

« Par la fontaine de ma bouche »
Maram al-Masri
Edition bilingue arabe/français
Ed. Bruno Doucey, 2011

Signe 12

Pour lui
des yeux qui voient ne suffisent pas
inspire l’air
regarde, regarde-le bien
puis jette-toi

savoure le mot
mouille-le
tourne-le
comme un grain de raisin
laisse-le rouler sur ta langue
passe-le sous tes dents
convoque tous tes souvenirs
tout fruit
fleur
peine
joie
mâche-le
gargarise-toi avec

avale-le

le plaisir

« Elle va nue la liberté »
Maram al-Masri
Edition bilingue
Ed. Bruno Doucey, 2013

Ce recueil est celui de l’habitante de la Terre qu’est Maram al-Masri qui se fait ici la voix des sans-voix de son pays actuellement malmené : la Syrie. Les bénéfices en seront versés à des associations humanitaires prenant en charge des enfants syriens.

Sur le mur d’une école
le mot liberté a été écrit avec de la craie blanche
par les petites mains des écoliers

Sur le mur de l’Histoire
la liberté a écrit leurs noms
avec du sang

***

Elle prend ton visage
entre ses mains.
Puis elle t’embrasse
y écrasant sa bouche.

Tu vas être enterré,
ô martyr,
avec les lèvres de ta mère
collées à ta peau

***

Il me semble
qu’il y a un deuil quelque part
Je suis en noir
Même si ce n’est
pas chez moi.

Il me semble
qu’il y a une fête quelque part
Je suis heureuse
Même si ce n’est
pas chez moi.

J’espère que ces quelques extraits vous auront donné envie de vous plonger dans l’oeuvre de Maram al-Masri. Mais je pense que ce n’est pas la dernière fois que je vous parle d’elle !

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