Sylvanie Tendron et Patricia Grange
Journée Mondiale des Sourds – Bordeaux, septembre 2013
Photo Xavier de Labouret
Vous qui me suivez depuis un petit moment, vous savez qu’avec ma complice Sylvanie, nous sommes actuellement en création pour un spectacle qui s’intitulera « Et alors ? ». Il s’agira d’une lecture mise en voix, en signes et en espace qui traitera de la multiculturalité et du fait de naviguer entre deux mondes (sourd et entendant).
Pour cette création, nous nous réunissons une fois par semaine, pendant une demi-journée pour progresser sur la mise en scène, l’adaptation en langue des signes de mes poèmes, mais aussi pour créer ensemble des poèmes visuels, directement créés en langue des signes, puis adaptés en français. Cette deuxième démarche est particulièrement intéressante, car elle fait appel pour moi à une logique d’écriture différente, très enrichissante.
Nous aimons beaucoup la façon dont Levent Beskardès interprète des haïkus classiques comme dans cette vidéo ou encore celle-ci. Nous avons décidé de créer nos propres haïkus, en nous inspirant du mode d’interprétation, très visuel, de Levent Beskardès. Nous avons décidé de créer un triptyque de haïkus sur le thème du silence.
Voici comment les choses se sont déroulées.
Je suis arrivée chez Sylvanie avec trois idées jetées sur une feuille de papier :
– Paroi où vibre la mélodie du sens.
– Alphabet mutique sur la portée de ma musique intérieure.
– Ecran où se découpe le dessin de mes mots.
A partir de chaque idée, nous avons longuement discuté, puis Sylvanie, une fois mes explications digérées, a mis chaque idée en corps. Et c’est à partir de son expression corporelle que j’ai finalisé l’écriture des haïkus :
Silence.
Sur ta peau
résonne le sens.
Ma portée intérieure.
Un alphabet mutique s’y pose.
Musique du dedans.
Feuille blanche.
Mon souffle créateur
y dessine des mots.
Il faut garder à l’esprit que ces haïkus ne sont complets qu’accompagnés de l’interprétation gestuelle, visuelle de Sylvanie. Un peu comme dans un haïga ou dans un haïsha, où haïku et dessin/photo sont interdépendants. Ils se complètent dans un équilibre subtil, sans que l’un prenne le pas sur l’autre.
Mais je suis tout de même satisfaite de ce que cela donne en français. Amis haïjin qui passez par là, dites-moi ce que vous en pensez ?
Ces haïkus font partie des extraits de « Et alors ? » que nous présenterons le 14 mars à partir de 20h, au Centre d’animation Saint Pierre de Bordeaux. En effet, nous interviendrons en première partie de la lecture du « Traité du silence » de Michel Thion, dans le cadre de Demandez l’impossible, le Printemps des Poètes de Bordeaux, organisé par le Théâtre des Tafurs.
Nous avions déjà eu l’occasion de présenter des extraits de ce spectacle en création, mais c’est la toute première fois que nous présenterons ces haïkus, en clin d’oeil à Michel Thion qui écrit des haïkus et des tankas. Cette soirée sera donc aussi l’occasion de confronter notre travail à son regard et à celui de son interprète Thérèse Boissier, ainsi qu’au vôtre. Sylvanie et moi vous espérons nombreux lors de cette lecture. A bientôt !
Edit au 14 mars 2014 :
Suite aux échanges avec Monique Mérabet dans les commentaires ci-dessus, j’ai modifié ainsi le 2ème haïku :
Ma portée secrète.
Un alphabet mutique s’y pose.
Musique du dedans.
Encore une belle découverte Patricia!
Quant aux haïkus silence, j’aime énormément le premier et le troisième. Le deuxième thème de la musique intérieure est intéressant aussi mais la redondance « intérieure » et « du dedans » me gêne.
Musique intime… peut-être?
Merci beaucoup pour ton oeil avisé Monique ! Je vais donc retravailler le deuxième !
Ca y est, Monique, j’ai modifié le deuxième haïku. Voir ci-dessus !
Magnifique triptyque ! J’aime énormément le 2ème haïku : il fait vibrer ma corde secrète.
Ah voilà qui me fait très plaisir Claire-Lise !
Je mets habituellement énormément de temps à écrire un haïku qui me satisfasse, mais en travaillant avec Sylvanie, cela coule pratiquement de source !