Papillons de mots

Echos d’Escale

Impression

Si vous habitez Bordeaux, cela n’a pas pu vous échapper : depuis hier après-midi, le coeur du quartier Sainte-Croix bat au rythme du Livre ! (Avec des avant-premières depuis mardi). Et pour les amoureux de cet objet de papier que l’on dit voué à disparaître, c’est un évènement à ne pas rater ! Surtout avec la programmation de cette année !

Pour ma part, hier, j’ai commencé mon Escale avec Gabriel Okoundji auquel un hommage a été rendu :

Sur le site de l’Escale, dans l’après-midi, un moment a été organisé autour des ouvrages de Gabriel et de leurs traductions, en présence de Jyrki Kilskinen (Finlande), Alessio Lizzio (Italie), Carol Sanders (Angleterre), Joan Pèire Tardiu (Occitanie), Lucien Etchezaharreta (Pays-Basque), Michel Suffran (écrivain bordelais) et Jacques Chevrier, auteur de Gabriel Okoundji, poète des deux fleuves (La Cheminante).

Pour la traductrice que je suis, ce fut forcément intéressant, tout comme d’entendre pour la première fois du finnois, langue très musicale d’ailleurs …

Voici quelques paroles semées pendant cet après-midi et qui ont fait germer mes oreilles :

par Michel Sufran :

« Le poète traduit du silence » (il citait René-Guy Cadou)

« Un lecteur est aussi un traducteur »

« Le poète est un transmetteur »

« La parole est notre guerre collective et commune »

« La parole écrite est d’abord une voix »

« Il n’y a pas de mort en poésie »

« La traduction est une recréation, une transmission »

« Le mot juste est inatteigable »

– par Lucien Etchezaharreta :

« Percevoir la poésie, c’est ressentir au-delà de la compréhension »

– par Jacques Chevrier :

Il a rapporté une conversation au cours de laquelle Gabriel lui avait indiqué que la première fois qu’il avait lu Batouk d’Aimé Césaire, il l’avait lu « sans regarder les mots ». Il a parlé de l’importance du silence dans le travail de Gabriel. Il a dit que Gabriel est un citoyen de la parole, un transmetteur, un passeur.

– par Gabriel Okoundji :

« La terre est immense au pied d’un seul arbre. » (Gabriel se définit comme un arbre, tout homme est arbre. Et la terre immense à ses pieds, c’était nous hier)

« L’arbre pousse là où est sa racine pourvu que son écorce soit perméable à toutes les sèves de l’univers »

Gabriel a ensuite reçu la médaille du département qui lui a été remise par Jean-Jacques Paris, vice-président du conseil général de la Gironde.

La journée autour de Gabriel s’est poursuivie un peu plus tard dans la soirée au Forum à Talence où a lieu actuellement l’exposition « Lumière d’artistes » dont Gabriel est le commissaire. Il a réuni là des artistes aux univers divers qui sont, chacun, une étoile de sa propre constellation. C’est vraiment une très belle exposition et j’ai eu un gros coup de coeur pour les tableaux de Serge Pierre et les sculptures de Sidiki Dermé.

A noter d’ailleurs que mon ami et complice Sylvanie Tendron guidera des visites en langue des signes de cette expo le 12 avril à 15h, le 15 mai à 10h et le 17 mai à 15h.

La soirée s’est achevée par une lecture multilingue des poèmes de Gabriel effectuée par ses traducteurs et par le comédien Alain Raimond. Le tout agrémenté de belles interventions musicales, dansées et acrobatiques d’un groupe de jeunes artistes burkinabés.

Mes univers ne sont pas cloisonnés. Entre l’après-midi et la soirée autour de Gabriel Okoundji, je me suis rendue au Forum BD de l’Escale, où était organisée une rencontre avec Jeremy Bastian. J’ai découvert ce jeune auteur il y a une semaine au Festival Bulles en Hauts de Garonne. Dans les différentes files d’attente pour les dédicaces des auteurs, on discute un peu avec les gens qui attendent avec vous. Dans toutes les files, je suis tombée sur quelqu’un qui avait cet ouvrage intriguant entre les mains : « La fille maudite du capitaine pirate » (titre original : « Cursed Pirate Girl » Ed. Archaia). J’ai fini par l’emprunter et le feuilleter. J’ai découvert de la BD-gravure ! Des pages géantes couvertes de dessins foisonnant de détails. Chaque page est un véritable tableau. J’ai craqué, je suis allée l’acheter et j’ai été fascinée par la façon dont l’auteur, Jeremy Bastian, a dessiné ma dédicace avec beaucoup de délicatesse. Lorsque j’ai vu qu’il serait sur l’Escale du Livre, j’y ai couru !

Voici comment il est présenté dans le programme de l’Escale :

« Fraîchement arrivé, l’américain Jeremy Bastian vient s’inspirer de l’Ancien Monde pour continuer son oeuvre magistrale La Fille Maudite du Capitaine Pirate (éd. La Cerise). Jeremy Bastian, qui voue une grande admiration aux illustrateurs du XIXème siècle comme Gustave Doré, Dürer ou encore Winsor McCay, construit un monde en noir et blanc fascinant de détails et de lignes minuscules, comme s’il avait une urgence à remplir minutieusement tous les espaces. Mais Bastian n’est pas seulement un orfèvre, c’est aussi un raconteur d’histoire, son livre une grande fresque d’aventure et de flibuste et sa Pirate Girl un tourbillon de détermination qui remue ciel et mers pour retrouver son père, le Capitaine Pirate. »

Jeremy Bastian hier à l’Escale avec l’équipe de Château Brignon où il est en résidence
ainsi que le traducteur de son ouvrage

Morceaux choisis de ces échanges :

– Un ouvrage qui l’a inspiré c’est The Ship’s Cat

– Il a toujours été fasciné et inspiré par Gustave Doré. Il vient juste de découvrir que Doré est l’un des rares illustrateurs de son époque à avoir fait des tentatives de bande dessinée

– Il vient de Pittsburg (Michigan) qui est une ville portuaire. Il est fasciné par l’eau car il y a encore beaucoup de choses inconnues, de zones inexplorées sous les eaux, ce qui laisse beaucoup de place à l’imaginaire

– Il a choisi un personnage féminin comme héroïne de son ouvrage parce que lui-même n’est pas une fille et que cela représentait donc un défi intéressant. De plus, comme il y a quand même beaucoup de lui-même dans ce personnage (sauf que lui est bien froussard), cela confère un caractère unique à sa Pirate Girl. Et enfin, cela permet de combattre les clichés sur les filles que l’on représente souvent comme de petites choses fragiles.

– De façon générale, le défi est un des moteurs de son travail. Il veut toujours aller plus loin, faire mieux. Il veut voir jusqu’à quel degré de bizarrerie il peut parvenir dans ses univers, tout en restant cohérent, logique. Il aime la complexité, il veut faire des livres dans lesquels on peut revenir sans cesse en y découvrant de nouveaux détails. Il voit chaque page comme une oeuvre d’art et pas comme un nouvel épisode de l’histoire (il passe environ une semaine sur une planche !) Forcément, la narration peut en souffrir un peu, mais c’est comme ça qu’il aime travailler.

Dessiner pour lui peut tenir lieu de méditation, comme lorsqu’il passe plusieurs heures (il travaille 15 heures par jour en moyenne) à tracer les milliers de lignes dont il remplit un nuage …

– Côté technique, il commence par un crayonné, puis il effectue un encrage au pinceau. Pour le lettrage (d’une finesse et d’une délicatesse inouïes), il travaille à la plume.

– A noter que son travail a été reconnu par Mike Mignola (créateur et dessinateur de Hellboy) qui est à son extrême opposé, mais qui est son dessinateur préféré !

Jeremy Bastian à l’Escale du Livre

Dès que j’ai fini de lire et d’explorer en profondeur La fille maudite du Capitaine Pirate, je viens vous en reparler ici !

Bon et maintenant, je file ! D’autres rendez-vous à l’Escale cet après-midi !

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