Echos d’Escale (suite et fin)

Le 7 avril 2014

Impression

Ma deuxième journée (ou plutôt après-midi) à l’Escale (samedi donc) a commencé, comme la première, en compagnie de Gabriel Okoundji. Cette année, notre « salon du livre » bordelais lui consacrait une part importante et c’est tout à fait mérité !

gabriel okoundji

En tout début d’après-midi, Gabriel nous a enlevés dans son « chant poétique ». Il n’a pas fait que chanter les mots, il a aussi fait danser la parole. Sa voix et ses textes se sont faits presque maternels pour nous bercer et nous nourrir du lait de la parole vivante. Un très joli moment et pas que. Un moment qui fait du bien, qui emplit l’âme …

Tahar Ben Jelloun

J’ai ensuite pu assister au grand entretien avec Tahar Ben Jelloun. Il venait présenter son dernier ouvrage « L’ablation » dans lequel il raconte l’histoire d’un homme devant subir une ablation de la prostate suite à un cancer. Il aborde la question de façon très décomplexée et tente de briser les tabous qui entoure cette maladie dont on découvre 70 000 nouveaux cas chaque année. C’est dire le nombre de familles touchées – car il n’y pas que le malade qui est touché, tout son entourage l’est. Morceaux choisis :

« La maladie est un exil de la vie. (…) La maladie est une ablation de la vie sociale. (…) L’impuissance est un exil dans un territoire où on est rendu à soi-même, où on est nu. (…) Il faut accepter que son corps n’obéisse plus. »

Il cite le personnage principal de son ouvrage qui se questionne à un moment donné sur son identité sexuelle : « Je suis une femme sans vagin »

Au cours de l’entretien, il fait un parallèle entre l’absence de sexualité et l’absence d’un sens, comme si la sexualité était un sixième sens. Il parle de la cécité de Borges et de la surdité de Bunuel qui ne les ont pas empêchés de créer. L’absence d’un sens conduit à développer d’autres sens. L’absence de sexualité permet de découvrir d’autres aspects et d’autres plaisirs de la vie. Pour un homme, cela change aussi son rapport aux femmes auxquelles il est plus attentif. Le livre est d’ailleurs, aussi, un hommage aux femmes.

Il conclut en disant que la littérature, tout comme la poésie, lorsqu’elle est sincère, aide à vivre et à guérir.

***

J’avais prévu d’assister ensuite au grand entretien avec Christian Bobin mais suite à une mauvaise organisation de la part de l’Escale, je n’ai pas pu le faire. (La salle prévue pour cet entretien était trop petite, aucun système de réservation n’avait été prévu, la jauge a vite été atteinte …). J’ai donc fini ma 2ème journée un peu frustrée, mais tout de même heureuse et emplie de tout ce que j’avais glané …

erri de luca

Ma troisième journée (dimanche) a commencé comme la deuxième s’était achevée. Dans la frustration. Suite à des problèmes logistiques personnels, je n’ai pu arriver sur l’Escale que vers 16h30. J’ai donc raté le grand entretien avec Erri de Luca. Heureusement, il était ensuite présent en dédicace sur le stand d’une librairie et j’ai pu échanger rapidement quelques mots avec lui, mais pas suffisamment pour vous en rapporter quelque chose ici … Dommage.

Jay-McInerney

Je suis ensuite allée assister par pure curiosité, en tant qu’amatrice de vin néophyte, à la rencontre avec Jay McInerney, autour de son ouvrage Bacchus et moi qui rassemble des « chroniques oenologiques brillantes, spirituelles et drôles » et est « destiné à tous ceux qui veulent en savoir plus sur les vins et ceux qui les produisent » (présentation dans le programme de l’Escale).

Le personnage est savoureux, drôle, parfois piquant, ne se prend pas au sérieux. J’avoue qu’il m’a séduit et que j’ai très envie de plonger dans son livre !

Morceaux choisis de l’entretien :

Il indique que pour lui « consommer du vin en solitaire est une tragédie ». (Je ne suis pas du tout d’accord avec lui. Il y a des moments où on a envie de savourer un bon verre de vin tout seul et même juste pour le vin lui-même, sans rien manger en accompagnement, en « vin de méditation » comme on dit dans le milieu). Il se contredit un plus tard en déclarant « Ca m’arrive d’ouvrir une bouteille pour moi tout seul ».

« La façon dont on perçoit et reçoit le vin dépend des circonstances, de la météo, du contexte, des personnes avec qui on est. I prefer a good wine in great company than a great wine in good company (je préfère un bon vin en excellente compagnie qu’un vin exceptionnel en bonne compagnie). »

« Les gens pensent toujours que les meilleurs vins sont les vins rouges. Mais les vins blancs font de très bons préliminaires. De plus, avec nos tendances de consommation actuelle, les plats végétariens, les plats asiatiques, le vin blanc est plus approprié car plus léger que le rouge. »

Son vin préféré est un vin blanc un peu mystérieux, peu connu, le Condrieu. A cause de ses accents exotiques, à la fois fruités et fleuris. Il lui fait penser aux tableaux de Gauguin et à la poésie de Coleridge.

Il ne s’intéresse pas qu’aux grands châteaux, qui deviennent de plus en plus inabordables, mais aussi aux petits châteaux, notamment ceux de la Rive Droite, qui commencent à voler la vedette aux autres. Ces petits châteaux sont également évoqués dans ses chroniques.

Il ne veut pas choisir entre Bordeaux et Bourgogne. Il y a un temps pour tout. Certaines occasions réclament un Bordeaux et d’autres un Bourgogne.
La différence fondamentale entre les deux est que les vins de Bourgogne sont très imprévisibles, contrairement aux Bordeaux, un peu comme une de ses ex petites amies qui pouvait être adorable avec lui un jour et lui claquer la porte au nez le lendemain.

Il n’aime pas l’idée d’un style international de vin (comme dans le film documentaire Mondovino). Pour lui, le terroir est un concept fondamental dans l’élaboration du vin. Le vin doit conserver son cachet.

Quant aux rosés et liquoreux :
« Un de mes premiers souvenirs liés au vin est un souvenir avec un rosé pour un de mes premiers rendez-vous amoureux. C’était un rosé portugais, le Mateus. Dans mon livre, je consacre d’ailleurs deux ou trois chroniques au rosé. Et puis, on ne devrait pas toujours se prendre au sérieux s’agissant de vin. Le rosé, c’est le fun ! Ca permet d’être un peu éméché et de s’amuser. »

« Je trouve vraiment dommage que les gens ne réalisent pas à quel point les liquoreux peuvent être formidables. Mon préféré c’est le Sauternes. Ils sont tous abordables sauf un : Château Eyquem »

apache lecorpsjuste

Enfin, j’ai fini ma journée et l’Escale en feu d’artifice avec « Bombez le torse, bombez », création d’Hamid Ben Mahi, exclusivement pour l’Escale du Livre.

Aux origines, Apache, création mêlant la danse hip-hop d’Hamid et la musique de Bashung jouée en live par Yan Péchin.

Cette proposition artistique a su toucher Christophe Dabitch (écrivain) et Christophe Goussard (photographe) qui avaient assisté à la sortie de résidence de l’oeuvre et ont décidé d’accompagner le chorégraphe au cours de sa création. Un livre textes-photos en est né : Le corps juste (Ed. Castor Astral).

Pour « Bombez le torse, bombez », Hamid a donné à voir des phrases chorégraphiques d’Apache sur la musique de Bashung jouée par Yan Péchin tandis que la comédienne Clara Ponsot lisait les textes de Dabitch.

Ce fut un moment à la fois singulier, intriguant et plein. Et quelle explosion d’émotion et de beauté sur le final avec le duo dansé entre Hamid Ben Mahi et Vanessa Petit !

« Le mouvement peut être un cri. »

Y’a rien à dire ! Cette Escale fut un bon cru. Vivement l’année prochaine !



2 grains de pollen to “Echos d’Escale (suite et fin)”

  1. Monique dit :

    Les livres sont toujours de belles escales, Patricia. Surtout quand elles nous entraînent vers des auteurs à découvrir. Ceux que j’ai « empruntés » tes lectures ne m’ont jamais déçue.

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