Il y a déjà quelques temps, je vous ai parlé du proème (poème en prose) No te enamores de Martha Rivera-Garrido, en vous proposant une traduction personnelle en français de ce magnifique texte. Je viens à nouveau partager une oeuvre de cette poète dominicaine avec vous. « Encore ? » me demanderez-vous. Eh oui, et ce n’est très certainement pas la dernière fois ! J’ai trouvé une foule de textes et autres proèmes de Martha Rivera-Garrido sur Internet et si dans No te enamores, elle nous dit « ne tombe pas en amour », moi je suis tombée follement amoureuse de sa plume ! Et quand j’aime, je partage !
D’autant plus que le travail de Martha Rivera-Garrido n’est pas sans lien avec mon travail poétique actuel qui porte sur le corps des femmes …
Voici la version originale, telle que publiée le 8 avril 2014 sur le site El Taller Literario El Enjambre Azul :
ESTOY ENAMORADA DE MI CUERPO
Estoy enamorada de mi cuerpo, y la verdad es que no sé si todas las mujeres de cincuenta años lo están. Esto no es un cliché… es cierto. Mis senos no son los mismos de los 20 años, porque de alguna manera son mejores: cuando se depositan en una boca, está la reminiscencia indeleble de las bocas que parí. Ya no es sólo miel si no también leche, leche, leche, esa hermosa palabra. De las tetas que fueron mamadas a borbotones, puesto que soy una vaquita lechera, hay memorias tan placenteras como las de cualquier labio tierno. Leves en su gravedad, tibios, más largos que los que exhibí sin brassier allende estos tiempos, alimentan mis senos la imaginación de quien deseo y me desea. Tienen esos pezones enormes y rítmicos, la inmensa sensorialidad de acoplarse a los estertores de la boca que los espera. No tiemblan: hacen temblar. Mis carnes han macerado la pasión que he cuidado a lo largo de estos años, y también el poema. Tienen una especial suavidad, una región secreta para cada caricia, donde todo estuvo antes expuesto, y un asombro nuevo cada vez; porque me descubro en ellas. Las líneas alrededor de mi boca (he descubierto recientemente) solamente son bellas cuando sonrío, y no me cuesta sonreír de modo que siempre puedo ser bella! Las pecas de los muslos han dejado de ser imperfectas: se han convertido en un mapa solamente descifrable por la lengua, una lengua, la lengua que las cuenta. El cabello, salvaje como siempre, tiene un tono menor de espiga seca (menor al que algún día tuvo) pero desespera los dedos de quien me ama e intenta ver mis ojos en el momento crucial de la plenitud de los cuerpos… igual que siempre. Amo mi edad como no supe amar ninguna otra. Amo lo que sé de mí y lo que doy en ello. No quiero volver a ninguna parte de mi historia: estoy entera, estoy amando, estoy viva y lo sé, estoy en esto.
Martha Rivera-Garrido
Poeta dominicana contemporánea
Et voici la traduction que je propose :
AMOUREUSE DE MON CORPS
Je suis amoureuse de mon corps. Et je ne sais vraiment pas s’il en va de même pour toutes les femmes de cinquante ans. Ce n’est pas un cliché… c’est vrai. Mes seins ne ressemblent plus à ceux de mes 20 ans, parce que d’une certaine façon ils sont bien mieux : lorsqu’ils se déposent dans une bouche, celle-ci est la réminiscence indélébile des bouches que j’ai mises au monde. Ce n’est plus seulement du miel mais aussi du lait, du lait, du lait, ce mot si beau. Des nichons qui ont été tétés goulûment, puisque je suis une petite vache laitière, il reste des souvenirs aussi placentaires que ceux d’une de ces lèvres tendres. Légers dans leur gravité, tièdes, plus gros que ceux que j’exhibais sans soutien-gorge en ces temps lointains, mes seins alimentent l’imagination de qui je désire et qui me désire. Ils possèdent ces mamelons énormes et rythmiques, ils sont d’une immense sensorialité qui s’accorde aux râles de la bouche qui les attend. Ils ne tremblent pas : ils font trembler. Mes chairs ont macéré la passion dont j’ai pris soin tout au long de ces années, et aussi le poème. Elles présentent une douceur particulière, une région secrète pour chaque caresse, où tout était exposé auparavant, et un étonnement sans cesse renouvelé ; parce que je me découvre en elles. Les lignes autour de ma bouche (je les ai découvertes récemment) ne sont belles que lorsque je souris, et je n’ai aucun mal à sourire, ainsi je peux être belle en permanence ! Les tâches de rousseur sur mes cuisses ne sont plus imparfaites : elles se sont métamorphosées en une carte qui ne peut être déchiffrée qu’avec la langue, une langue, la langue qui les ra-compte. Mes cheveux, sauvages comme toujours, sont parsemés de quelques épis secs (moins qu’avant) mais ils désespèrent les doigts de qui m’aime et essaie de voir mes yeux au moment crucial de la plénitude des corps … comme il en a toujours été. J’aime mon âge comme je n’ai su en aimer aucun autre. J’aime ce que je sais de moi et ce que j’en donne. Je ne souhaite revenir à aucun moment de mon histoire : je suis entière, je suis en amour, je suis vivante et je le sais, j’habite tout cela.
Texte original en espagnol de Martha Rivera-Garrido
Poète dominicaine contemporaine
Traduction libre de Patricia Grange
Alors, il s’agit vraiment d’une traduction libre dans le sens où j’ai pris quelques libertés par rapport au texte d’origine et que j’ai « traduit » mon ressenti parce que certaines phrases étaient intraduisibles sinon ! Mais je reste tout à fait ouverte aux réflexions, commentaires, suggestions de tous ceux qui passent ici et souhaitent ajouter leur petit grain de pollen !
A très bientôt pour un nouveau poème de Martha Rivera-Garrido !
Beau texte, complexé et donc jaloux de cette maturité assumée, et j’en suis sûr, de cette beauté, je vais aller ronchonner dans mon coin…
🙂
Mais non François !
Très beau texte, poétique et sensuel. Bravo à la poète qui assume si bien son âge et sa féminité.
N’est-ce pas, hein ?
Martha Rivera-Garrido a en effet une plume très sensuelle, voire érotique.
Le corps et la féminité sont très présents. Je pense que c’est aussi un acte féministe.
Je suis en train de traduire un autre poème que je mettrai bientôt en ligne.
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