Il y a quelques jours, je suis rentrée d’une très belle semaine en compagnie de Lisa (c’est ainsi que les Lisboètes appellent leur ville). C’est une escapade que je ne suis pas près d’oublier. Il y a vraiment une atmosphère particulière dans cette ville, une âme à la fois singulière et multiple. Il y a ces couleurs qui changent sans cesse, sur les maisons, dans le ciel, sur le Tage. Lisbonne m’a cadenassé le coeur. Mais plutôt que d’écrire ici un long carnet de voyage, j’ai préféré venir vous parler ici de temps en temps, dans les semaines à venir, de rencontres et de moments particuliers dans cette ville si près, si loin …
Et pour commencer, honneur à la poésie et aux poètes ! Avec Fernando Pessoa qui a accompagné toutes nos déambulations et contemplations dans Lisbonne, ville où il a entamé et achevé sa vie. Je crois que son fantôme bienveillant doit continuer à se promener ici ou là, près de Lisa …
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Cette statue surréaliste à tête de livre représente et rend hommage à Fernando Pessoa. Elle se trouve sur la petite place qui s’appelle Largo Sao Carlos, dans le quartier du Chiado. Elle se trouve juste devant la maison où le poète est né, comme l’indique la plaque apposée sur le mur que vous pouvez voir sur la photo (en cliquant et en agrandissant, si vous lisez le portugais).
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Toujours dans le Chiado (mais je ne sais plus dans quelle rue), cette maison où Pessoa a occupé pendant quatre ans une chambre qu’il louait.
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Celle-ci est très certainement une des statues les plus célèbres et les plus photographiées de Lisbonne ! Elle représente le poète attablé à un café et invitant le promeneur à le rejoindre. Elle se trouve sur la terrasse du café A Brasileira, rue Garrett, où Pessoa avait ses habitudes.
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Enfin, la Casa Fernando Pessoa dans le quartier de Campo de Ourique, ouverte au public. C’est la dernière maison du poète, celle où il a vécu les 15 dernières années de sa vie. S’y trouvent encore une partie de son mobilier, mais surtout une bibliothèque rassemblant non seulement ses ouvrages mais aussi ceux qu’il lisait. Cette maison est devenue une véritable maison de la poésie. Des évènements et manifestations poétiques y sont régulièrement organisés.
Et il y a une photo que je n’ai pas prise, c’est celle de la pierre tombale de Pessoa dans le cloître du Monastère des Hiéronymites dans le sublime quartier de Belém (quartier où nous avons résidé). Pierre tombale très discrète, qu’on ne remarque que si on la cherche, pas très loin du cénotaphe, bien plus imposant, de Vasco de Gama.
Et comment clore cette note de blog sans un poème ? Voici Lisboa par Alvaro de Campos (un des nombreux pseudonymes de Fernando Pessoa) :
Lisboa
Lisboa com suas casas
De várias cores,
Lisboa com suas casas
De várias cores,
Lisboa com suas casas
De várias cores…
À força de diferente, isto é monótono.
Como à força de sentir, fico só a pensar.
Se, de noite, deitado mas desperto,
Na lucidez inútil de não poder dormir,
Quero imaginar qualquer coisa
E surge sempre outra (porque há sono,
E, porque há sono, um bocado de sonho),
Quero alongar a vista com que imagino
Por grandes palmares fantásticos,
Mas não vejo mais,
Contra uma espécie de lado de dentro de pálpebras,
Que Lisboa com suas casas
De várias cores.
Sorrio, porque, aqui, deitado, é outra coisa.
A força de monótono, é diferente.
E, à força de ser eu, durmo e esqueço que existo.
Fica só, sem mim, que esqueci porque durmo,
Lisboa com suas casas
De várias cores.
Alvaro de Campos
(pseudonyme de Fernando Pessoa)
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Version française :
Lisbonne avec ses maisons
De diverses couleurs,
Lisbonne avec ses maisons
De diverses couleurs,
Lisbonne avec ses maisons
De diverses couleurs …
A force d’être différent, c’est monotone.
Comme à force de ressentir, je ne fais que penser.
Si, pendant la nuit, couché mais réveillé,
Dans la vaine lucidité de ne pouvoir dormir,
Je veux imaginer quelque chose,
Autre chose toujours surgit (à cause du sommeil,
Et, à cause du sommeil, un fragment de rêve).
Je veux voir plus loin ce que j’imagine
Comme de grandes palmeraies fantastiques.
Mais je ne vois rien de plus,
Contre une sorte de paroi à l’intérieur des paupières,
Lisbonne avec ses maisons
De diverses couleurs.
Je souris, parce qu’ici, couché, c’est autre chose.
A force d’être monotone, c’est différent.
Et, à force d’être moi, je dors et j’oublie que j’existe.
Seule reste, sans moi, qui oublie parce que je dors,
Lisbonne avec ses maisons
De diverses couleurs.
***
Dans son oeuvre pléthorique, Fernando Pessoa a également commis un guide de Lisbonne que je vous invite à découvrir.