Dans un peu plus d’une heure, 2014 sera derrière nous, alors comme chaque année, j’ai une pensée pour ceux qu’elle aura emportés avec elle. Une pensée pour Robin Williams et Maya Angelou. Une pensée pour les disparus des dernières catastrophes. Une pensée pour tous les anonymes morts sans laisser de traces, seuls, sans amis et sans famille. Et avec Erri de Luca, je lève mon verre …
Précis pour le toast du jour de l’an
Le toast est une coutume qui s’est appauvrie. On récite tout au plus la banale formule : « A votre santé ». Un premier de l’an, il y a un siècle, Anna Akhmatova, Russe, poète, nota trois toasts prononcés à sa table. Un premier : « Je bois à la terre des prés où nous sommes nés et où nous retournerons tous. »
Un autre pour Anna : « Et moi à ses poèmes où nous vivons tous. »
Un troisième : « Nous devons boire à celui qui n’est pas encore avec nous. »
J’ajoute ici le mien à la suite :
Précis pour le toast du jour de l’an.
Je bois à celui qui est de service, en train, à l’hôpital,
cuisine, hôtel, radio, fonderie,
en mer, dans un avion, sur l’autoroute,
à qui franchit cette nuit sans un salut,
je bois à la prochaine lune, à la fille enceinte,
à qui fait une promesse, à qui l’a tenue,
à qui a payé l’addition, à qui est en train de la payer,
à qui n’est invité nulle part,
à l’étranger qui apprend l’italien,
à qui étudie la musique, à qui sait danser le tango,
à qui s’est levé pour céder sa place,
à qui ne peut se lever, à qui rougit,
à qui lit Dickens, à qui pleure au cinéma,
à qui protège les bois, à qui éteint un incendie,
à qui a tout perdu et recommence,
à l’abstème qui fait un effort de partage,
à qui n’est personne pour celle qu’il aime,
à qui subit des moqueries et qui par réaction sera héros un jour,
à qui oublie l’offense, à qui sourit sur une photo,
à qui va à pied, à qui sait aller pieds nus,
à qui redonne une part de ce qu’il a eu,
à qui ne comprend pas les histoires drôles,
à la dernière insulte pour qu’elle soit la dernière,
aux matchs nuls, aux N du loto foot,
à qui fait un pas en avant et rompt ainsi le rang,
à qui veut le faire et puis n’y arrive pas,
et puis je bois à qui a droit à un toast ce soir
et qui n’a pas trouvé le sien parmi ceux-ci
Erri de Luca
Extrait du recueil « Aller simple », Ed. Gallimard
Bonne et Joyeuse Année Patricia! Au bonheur de nos rencontres et aux voyages fantastiques que ton blog me permet de faire… Et aux pantouns que tu m’as donné envie d’écrire!
Belle et heureuse année en amitié et en poésie!
Merci Monique ! Excellente année à toi ! J’ai moi même découvert le pantoun sur le blog de Claire-Lise Coux. Alors si je t’ai donné à mon tour envie d’en écrire, ce n’est qu’un juste retour des choses ! J’ai hâte de les lire ! A nos dialogues croisés entre blogs 😉
Ah! Des pantouns se sont glissés chez patpantin. J’ai âte d’avoir ton avis…
Oui, Monique, j’ai lu et je m’apprête à commenter ! Je suis super contente d’avoir fait un passage de relais pantounique !
Très beau choix ce texte d’Erri de Luca !
Bonne année Patricia !
Que la Poésie nous renverse et nous submerge tout au long de cette année nouvelle !
Dès lecture de ce texte il y a quelques mois, je l’ai enregistré dans le blog pour pouvoir le publier dans la nuit de la Saint Sylvestre. Il est vraiment très fort. Quel plaisir de voir qu’il te touche aussi, Claire-Lise ! Et oui, puissions-nous être renversés, désarçonnés, emportés par la Poésie !