Mes contes de Perrault
Tahar Ben Jelloun
Seuil, octobre 2014
Et voici l’ouvrage qui m’a accompagnée pour la transition entre 2014 et 2015. Il m’a été offert à Noël.
Dans cet ouvrage, Tahar Ben Jelloun, dans un clin d’oeil à la fois à Fadela – parente éloignée – qui lui racontait les contes des Mille et une nuits quand il était enfant, et à son institutrice qui lui lisait les contes de Perrault, a décidé de mêler les deux univers : il revisite dix contes de Perrault en les plaçant dans un contexte arabo-musulman.
J’ai picoré deux ou trois des contes, en souriant régulièrement, avant le 7 janvier. Après cette date, ma lecture a eu d’autres résonances.
En effet, Tahar Ben Jelloun ne s’est pas contenté d’arabiser, d’orientaliser les personnages et les décors. Non, il a vraiment réécrit les contes, modifiant la fin de certains d’entre eux, les saupoudrant de clins d’oeil et de messages, infusant des appels aux lumières entre deux lignes. Un des contes en particulier a été intégralement écrit pour dénoncer l’obscurantisme, il s’agit de La petite à la burqa rouge :
« C’était l’époque où des hommes barbus, vêtus de tuniques noires, armés de sabres et de fusils, faisaient la loi et persécutaient les hommes qui ne fréquentaient pas assidûment la mosquée, lapidaient les femmes qui osaient les défier en portant des tenues légères. Ils interdisaient les écoles aux filles et surveillaient de près l’éducation des garçons, qui devait être strictement religieuse. Ils formaient une secte ; on les appelait « les Hypocrites », parce qu’ils disaient agir au nom de la religion alors qu’ils se préoccupaient bien davantage du trafic de drogue. Certains s’autoproclamaient « émirs », d’autres « imams », tous prétendaient faire la loi, pillaient le pays et faisaient fuir les touristes. La secte propageait le malheur sur un pays où musulmans, chrétiens et juifs vivaient pourtant en bonne intelligence. »
Mais tous les contes sont porteurs de leur part de pied de nez. Ainsi, dans Cendrillon, au moment de rédiger le contrat de mariage, voici ce que le prince veut imposer aux vieux scribes en djellaba blanche, gardiens des dogmes coraniques : « Le mari s’engage à mettre fin au droit traditionnel de la polygamie et de la répudiation. Le mari et l’épouse ont les mêmes droits et se doivent le respect jusqu’à ce que la mort les sépare. Pour ce qui est de l’héritage, les époux s’engagent à traiter les filles et les garçons sur un pied d’égalité. »
Et pas question de finir Le chat botté sur un traditionnel Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants (même si la formule apparaît ailleurs dans l’ouvrage). Ce sera plutôt « Ils se marièrent et adoptèrent plusieurs chats » !!! J’ai adoré !
Comme vous vous en doutez, j’ai passé de très bons moments avec ce recueil de contes. Il m’a aidée à reprendre pied après les sombres évènements de janvier. Non seulement l’auteur y dénonce et y ridiculise les obscurantistes mais, en réécrivant ces contes du XVIIème siècle, en les adaptant à un contexte oriental et contemporain, il invite très certainement à une nouvelle lecture et à une modernisation de l’interprétation des textes anciens, même s’il s’agit de textes sacrés tels que le Coran, la Bible ou la Torah.
Je pense qu’il serait salutaire de faire lire et étudier ce recueil dans les collèges et les lycées.
J’ai commencé à le lire moi aussi. Excellent!
N’est-ce-pas Monique ? Il est fort ce Tahar Ben Jelloun !