Après avoir passé un excellent moment en allant voir Pneuma au début du mois d’octobre, je suis allée voir Now, la dernière création de Carolyn Carlson au Grand Théâtre de Bordeaux, à la fin du mois d’octobre.
Now n’est pas un simple ballet contemporain. C’est une oeuvre qui mêle singulièrement et harmonieusement ballet, théâtre et projection vidéo. J’ai beaucoup aimé que les mots de différentes langues viennent danser avec les corps des interprètes.
Carolyn Carlson dit elle-même qu’elle fait de la « poésie visuelle », et Now, c’est exactement ça, de la poésie visuelle.
Now parle du corps, de la maison (des portes et des fenêtres traversent régulièrement la scène), du corps comme étant notre maison. Oui, où que nous soyons, nous sommes chez nous, nous habitons notre corps. Et notre corps nous habite.
Et comme souvent, deux jours après avoir vu cette création, j’en ai trouvé une résonance dans l’ouvrage que je suis actuellement en train de lire, La Zone du Dehors d’Alain Damasio. Je venais juste de l’entamer. Je suis tombée sur ce passage :
« Ce qui est certain, c’est que le Dehors je ne viens pas le visiter comme un parc, pour y faire une balade ! Je viens le chercher en moi, ici, parce qu’il est d’abord en nous, avant d’être cette sauvagerie qui nous donne le goût d’être et de nous battre ! Le Dehors, c’est l’intime vent, court, vif, qui flue au fond de nos tripes. Il circule en nous, il serpente entre tous nos atomes de matière, accélère, décélère, jaillit, donne du rythme, agite ! Et la matière cherche à le calmer, à le mettre en cellule, veut le bloquer, le fait buter. Elle fixe. Elle assigne. Si elle bouge, c’est comme le sang, par les réseaux établis. Alors que le Dehors, qui vient de nulle part, eh bien va partout, court-circuite les réseaux, il lie ce qui ne l’a jamais été : les reins aux seins, la bouche aux mains, les mains au monde … Il nous aère. Il nous troue le ventre, le coeur. Creuse le crâne. Et chaque fois qu’un vide se fait, que ça se déchire du dedans pour s’ouvrir, même un tout petit peu, alors passe un vent, quelque chose fuit, qui fait appel d’air, ça vit. Ce que je viens chercher ici, c’est cette sensation que l’espace prolifère en moi, comme un cancer qui ferait sa propre place, avec de l’air. Le Dehors entre, m’ouvre, il météorise, il oxygène et ainsi se forme la pensée, ainsi la sensation, lorsqu’elle est neuve ou inouïe. »
La Zone du Dehors
Alain Damasio
Ed. La Volte, 2007
La petite histoire concernant ma rencontre avec ce livre ? Une librairie a ouvert ses portes à Bordeaux en mai dernier. Elle s’appelle La Zone du Dehors et est tenue par quatre jeunes trentenaires dynamiques et sympathiques qui ont la douce folie de parier sur le livre papier, mais pas que ! Librairie, mais aussi galerie d’art, café-snack bio et culturel. C’est en allant visiter leur lieu et en me promenant entre les étagères que j’ai découvert cet ouvrage dont ils ont adopté le titre. Je n’ai pas fini de le lire, mais je ne regrette pas mon achat !
Photo : SudOuest
Et enfin, hier soir, je suis allée voir un film qui a à nouveau créé une résonance par rapport à ces maisons, ces lieux que l’on porte en nous et qui nous portent, la demeure de l’âme :
La maison n’est pas au coeur de l’intrigue de ce très doux et très esthétique film. Mais elle en est bien un des personnages principaux. Elle est d’ailleurs magnifique cette maison ancestrale japonaise, avec ses portes coulissantes en papier et son jardin au prunier quinquagénaire, ayant donné naissance à une bien jolie tradition familiale printanière … D’ailleurs, Sachi, l’aînée des quatre soeurs déclare : « J’ai une mission, celle de protéger ce lieu » …
Nourrie de toutes ces oeuvres-foyers, je viens d’écrire ce pantoun que je laisse s’envoler vers vous :
En tout lieu toute saison
La tortue toujours sera chez elle.
Mon corps est ma maison
J’habite une chair universelle.
Patricia Grange
Novembre 2015, tous droits réservés.
Ce pantoun m’en inspire un !
L’été comme l’hiver
Lente tortue progresse.
Le temps passe je perds
L’allure et la jeunesse.
Merci pour ce pantoun, Gatien.
A priori, votre plume ne perd rien en esprit vif et en jeunesse 😉
[…] avais publié un court extrait ici, dans un autre post, dans un autre contexte. Ce n’est pas l’extrait le plus […]