Papillons de mots

Soupirs poétiques wolof

Cheikh Tijaan Sow

Hier soir, Cheikh Tijaan Sow a publié ce très beau texte en wolof sur sa page Facebook :

Xool adduna jooy xalaat adduna jaxle
Xalaat adduna jaxle xool adduna jooy
Fekk ma ci mbaar mi laac ma Sama xalaat
Mani la buul di jooyoo jëfël waxal wayal
Guddi yeksi ma jël Sama xalima
Bind li ma metti ci adduna
Bokku nu gis gis ma tëc la
Diine doon ñaar ma boom la
Xeet wutte ma boom la
Sa melokaan tax ma ber la

Cheikh Tijaan Sow

Je ne parle pas le wolof, mais j’aime énormément les sonorités de cette langue. J’aime également énormément la voix, le phrasé et le flow de Cheikh quand il dit ou chante sa poésie, en wolof comme en français. Quand j’ai parcouru ce texte du regard, je l’ai immédiatement entendu résonner au fond de moi.

C’est ce que je lui ai dit, en commentaire à cette publication, en précisant « même si je n’ai rien compris ». Cheikh a invité les amis bilingues de sa page à s’essayer à la traduction française de ce poème. Il y a eu deux versions, ayant essence commune, mais formes différentes, évidemment. La traductrice que je suis a forcément été intéressée, au-delà d’apprendre le sens même de ce vibrant poème. En partage, voici ces traductions :

Pleurant, pensant le monde
désespéré et pensant le monde
Me demanda t-il dans l’intimité casanière
point de pleurs
Va, dis et chante
Nuit tombante, te voici
Je saisis ma plume
transcrivant ma peine en ce bas monde

Proposition de traduction par
Abdou Karim Ndiaye

Je porte mon regard sur le monde et je pleure !
Je médite sur le monde et je m’inquiète !
Tu sollicites mon avis dans l’intimité de ma case !
Je te défends de pleurer, agis, parle, chante !
À la tombée de la nuit je saisis ma plume !
J’exprime ma peine et ce qui me révulse dans ce monde !
Tu ne partages pas mes opinions, je te prive de liberté !
Tu ne partages pas ma religion, je mets fin à ta vie !
À cause de ta différence je te stigmatise et te mets à l’écart !

Proposition de traduction par
Mamadou Mansour Diouf

Le message est fort et les mots sont beaux. Dans les deux langues. La traductrice que je suis ne peut s’empêcher de remarquer que le mot wolof « adduna » semble correspondre au mot « monde » en français. Et de le rapprocher du mot malais « dunia » qui, suivant le contexte, signifie « terre », « pays », « monde ». Le mot swahili « duniya » semble avoir également le même sens. Et je me dis « Ah ? » Et je finis par trouver une clé, ou le début d’une clé ici.

Les langues parlent de nous et connaissent mieux notre histoire que nous-mêmes. Toutes nos langues sont liées les unes aux autres …

Et sinon, pour revenir à Cheikh :
Militant d’éducation populaire, formateur en communication interculturelle et démarches participatives, Cheikh Sow dévoile ses racines dans des textes rythmés par ses convictions. Musicien et auteur compositeur, il écrit comme il chante, avec douceur et force. Il réside à Bègles, en Gironde, près du fleuve Sénégal.

Je vous avais déjà parlé de lui ici, lorsque j’avais eu l’honneur et le plaisir de co-créer et vivre une rencontre artistique avec lui autour de mon livre Makéda. Vous pouvez (re)lire le compte-rendu de cette soirée ici.

Et je vous laisse avec deux de mes clips préférés de l’artiste, avec son groupe Afro Guinguette. L’un d’eux fera peut-être écho à une récente actualité …

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