Ma première rencontre avec le Pont Charles ne m’avait donné aucune envie de l’emprunter ! C’était un samedi en début d’après-midi et il était noir de monde, irrespirable, pris d’assaut par la foule des touristes du week-end ! Je m’étais alors promis de revenir le voir très tôt le matin, étant donné que le jour est pleinement levé dès 4h30 (!!!) et de le traverser à pied pour grimper ensuite vers le quartier de Hradčany et le Château de Prague.
Ainsi fut fait et bien m’en a pris. Ce jour-là, je suis arrivée à l’entrée du Pont Charles, côté Staré Město à 7h45, après avoir traversé paisiblement la ville, en ne croisant que des Pragoises et Pragois se rendant à leur travail, quelques joggeurs et de rares visiteurs matinaux, désireux comme moi d’éviter la foule, mais aussi de profiter des heures les moins chaudes de la journée.
Quel bonheur de pouvoir admirer tout à loisir le paysage et les détails architecturaux de ce vénérable pont ! Quel bonheur de pouvoir ainsi embrasser la Vltava sous le soleil déjà bien chaud ! Quel bonheur d’entamer déjà, des yeux, la déambulation sur l’autre rive, en laissant son regard parcourir rapidement Malá Strana et partir à l’ascension de Hradčany !
Et avant de passer, pour la première fois, par-dessus la Vltava, jeter un oeil aux cadenas d’amour. Pourquoi des amoureux du monde entier adoptent-ils cette pratique ? Pourquoi représenter l’amour ou même l’engagement par un cadenas ? Qui plus est quand celui-ci est accroché à une grille et qu’on en a jeté la clef ? Pourquoi ce champ lexical de la prison, de l’enfermement ? L’amour n’est-il pas intrinsèquement libre ? Même dans un engagement ? Ce qui lie deux personnes est d’autant plus beau, d’autant plus fort, qu’à tout moment elles peuvent repartir chacune de leur côté et qu’elles ne le font pas parce qu’elles sont bien ensemble. Pourquoi figer dans un verrou un sentiment, une relation qui est sans cesse en mouvement, en évolution, en ébullition, qui coule comme cette eau sauvage, comme la Vltava, là, furieuse et bouillonnante ! Pourquoi matérialiser quelque chose d’aussi pur que la symphonie de deux âmes par un champ de serrures qui ne m’évoquent que de tristes couronnes mortuaires ? Voire des coeurs empalés. Sinistre malgré toutes les couleurs …
Abandonner là les soi-disant « love » cadenas et avancer vers le Pont Charles et son imposante galerie de statues. Une par pilier ! Véritable petit musée en plein air !
Et croiser tout au long de ma traversée de jeunes couples asiatiques, en tenue de fiançailles, voire de mariage, qui se font photographier sur le Pont Charles, près de certaines statues, ou avec vue sur le Château de Prague, vue sur les très belles façades des quais, ou encore vue sur la Vltava et ses nombreux ponts.
M’arrêter de temps à autre pour goûter cet instant de paix en début de journée. M’arrêter de temps à autre pour regarder s’éloigner la Vieille Ville et se rapprocher Malá Strana et Hradčany. M’arrêter de temps à autre pour embrasser à nouveau la Vltava. Dieu que j’aime ce fleuve impétueux !
Et voici déjà l’entrée de Malá Strana ! Je traverse rapidement ce quartier où je m’attarderai plus tard, un autre jour, et je m’élance vers le sommet de la colline et la place Hradčanské náměstí. Après la longue montée à pied, la vue sur Malá Strana, le fleuve et l’autre rive, coupe encore un peu plus le souffle !
Une place atteinte d’une épidémie de palais : l’entrée du Château de Prague (qui accueille désormais le Palais présidentiel) évidemment, mais aussi le palais Schwarzenberg, le palais Sternberg, le palais Toskánský, le palais Salmovský, etc. etc.
Entrer enfin dans l’enceinte du Château. Traverser la première et la deuxième cours pour accéder à l’impressionnante Cathédrale Saint-Guy, à faire pâlir Notre-Dame de Paris ! A faire rêver tous les Quasimodo et les Esmeralda !
Rester bouche bée devant la dentelle de pierre, La légende de Cyrille et Méthode sur les vitraux signés Mucha, le tombeau en argent de saint Jean Népomucène de Fischer von Erlach, entre tant d’autres. Et toutes ces époques et toutes ces influences qui se mêlent !
Vitraux dessinés par Alfons Mucha
De nouveau la lumière du jour. Sous le soleil aveuglant, sourire aux gargouilles …ou leur tirer la langue !
Petite traversée du Château, de ses salles de réception, de ses chambres et bol d’air et de vue depuis un belvédère. Toujours cette coquine de Vltava qui me fait des clins d’oeil !
Vue sur l’église Saint Nicolas de Malá Strana et la Vltava
Vue sur le Pont Charles
Saluer Saint Georges en son Couvent, admirer les fresques …
… mais courir déjà vers les jardins sur les remparts, pour mieux y déambuler en lenteur, tout en envoyant des baisers à ma nouvelle amante, la Vltava.
Visiter les maisonnettes reconstituées de la Ruelle d’Or, amusée – comme une impression d’être devenue une petite poupée évoluant dans son décor – mais frustrée – c’est vraiment une toute petite rue, vite traversée !
Et achever ma visite de châtelaine avec cette sinistre Tour Noire, lieu de torture, de souffrance, de mort …
Brrr !!! Mais non, je ne m’en irai pas sur cette note morbide ! Il est 12h pile ! L’heure de la relève de la garde !
Grand moment cérémonieux. Une demi-heure de cuivres et percussions, de déclamations bien réglées et de chorégraphies protocolaires bien huilées. Très amusant pour dire au revoir au Château !
Petit résumé en moins de deux minutes :
Quand on pense à Hradčany en venant à Prague, on ne pense qu’au Château, mais ce quartier en sommet de colline réserve d’autres petites promenades et déambulations sympathiques. Entre autres :
Remonter la jolie rue Loretánská en sortant du Château. Ici encore j’ai pensé à Venise … S’arrêter un moment chez Notre-Dame de Lorette. Attendre … pour écouter carillonner les 27 cloches de son coeur !
Après ce joli moment de communion avec les anges, reprendre Loretánská, puis Pohořelec, laisser derrière soi le Musée des Miniatures, et pénétrer dans l’enceinte du Monastère de Strahov pour y visiter son étonnante bibliothèque.
Il n’y a que deux salles dans cette bibliothèque. Pas très grandes du reste. Mais quelles salles ! Précédées d’un cabinet de curiosité foisonnant, les salles théologique et philosophique abritent une immense collection de volumes anciens aux riches reliures. Et le décor des salles elles-mêmes, voûtées, vaut le détour : boiseries, fresques sur les plafonds, mobilier, même si on ne peut pas y pénétrer et qu’on ne peut les observer que depuis le pas de leur porte.
En sortant de l’enceinte du Monastère et en redescendant vers Malá Strana par la rue Vlašská, à travers les vergers, on en prend à nouveau plein les mirettes ! C’est beau une ville, au milieu des collines !