« Mulher ou o livro do teu nome »

Le 17 janvier 2018

Mulher ou o livro do teu nome
(« Femme ou le livre de ton nom »)
Fernando Sylvan (Timor oriental)
Livraria Ler, Lisbonne, 1982
Avec 21 dessins de Luís Rodrigues

La revue Jentayu s’apprête actuellement à publier son septième numéro, autour du thème « Histoires et Mémoires », qui paraîtra dans les prochaines semaines. Il est grand temps pour moi de revenir un peu, comme je l’avais promis au moment de la publication, sur les traductions que j’avais réalisées pour le numéro 6, thème « Amours et Sensualités » !

Pour cette sixième édition, j’avais proposé des poèmes du Timorais Fernando Sylvan, extraits de son magnifique Mulher ou o livro do teu nome (« Femme ou le livre de ton nom »). Si ma démarche était quelque peu opportuniste au départ, la rencontre avec cette oeuvre fut un flamboyant coup de coeur, au point de dormir avec le recueil pendant plusieurs mois !

Depuis deux ans, je fais en sorte de développer une activité de traductrice littéraire. A la fin de l’année 2016, la revue Jentayu avait déjà accepté, à deux reprises, des traductions que j’avais effectuées de l’anglais au français, pour ses numéros 4 et 5. Je traduis de l’anglais, mais aussi de l’espagnol et du portugais. Je publie ici de temps à autre des traductions depuis l’espagnol des poèmes de la Dominicaine Martha Rivera Garrido que j’aime énormément. Mais je n’avais pas encore eu l’occasion d’affûter ma plume de traductrice littéraire sur du portugais. J’ai alors commencé à m’intéresser à la littérature du Timor oriental, dont j’avais eu un aperçu dans le tout premier numéro de Jentayu, et notamment à sa poésie, dont on parle peu en France.

Fernando Sylvan

C’est ainsi que je suis tombée sur un article d’Ana Margarida Ramos portant sur la poésie de Fernando Sylvan. Elle y parle de la poésie de résistance qui marque l’essentiel de son oeuvre, mais consacre cependant toute une partie de son analyse à la poésie amoureuse et à Mulher ou o livro do teu nome. Ce qu’elle en dit m’a happée et les quelques extraits cités m’ont touchée et donné envie d’en lire davantage. Seule ombre au tableau, cet ouvrage a été publié en 1982 à 2000 exemplaires uniquement et est épuisé. Qu’à cela ne tienne, j’ai commencé à le chercher en occasion sur Internet et j’ai finalement trouvé un exemplaire de ce bel ouvrage dans une bouquinerie de Lisbonne.

Parallèlement, Jentayu ayant déjà lancé à ce moment-là, son appel à textes pour le numéro 6 sur le thème « Amours et Sensualités », j’ai contacté la revue et ma proposition de traduction a suscité de l’intérêt.

A réception de ma commande lisboète, j’ai été très émue par l’objet lui-même. Ce beau papier blanc jaunissant, doux et sensuel au toucher. Ces magnifiques dessins à la ligne si fine. Ces pages encore attachées entre elles qu’il m’a fallu ouvrir au coupe-papier et qui ont révélé (hasard ?) justement ce poème :

Dessin de Luís Rodrigues pour le poème 64

64

O teu sexo fechado
tive de abri-lo com um beijo
come se não estivesse ainda desflorado.

(Pour la traduction, je vous renvoie vers le numéro 6 de Jentayu !)

J’ai lu et relu, avec avidité puis tout en lenteur, avec émotion puis gourmandise, le coeur battant et l’âme fébrile, les 101 poèmes de ce livre fabuleux, sublime, singulier.

Mulher ou o livro do teu nome est une collection de textes courts, voire très courts. Beaucoup de tercets, des distiques et parfois des poèmes réduits à un vers. Quelques rares poèmes un peu plus longs d’environ 20 à 30 vers aussi. On retrouve souvent l’essence, l’esprit du haïku. Ces poèmes n’ont pas de titre, ils sont simplement numérotés. Le recueil retrace l’histoire d’un amour, de la rencontre à la séparation. Et tout au long de cette histoire, le poète chante la femme aimée, même lorsqu’elle n’est plus là car elle habite en lui. Il chante son corps et son être. Il chante sa sensualité, son érotisme et la tendresse, la passion qu’elle fait éclore en lui. Il la chante dans les paysages qu’elle dessine à travers lui et en lui. La langue est économe, simple, sans profusion de métaphores, mais avec des images fortes qui convoquent immédiatement les émotions.

Toute la difficulté de la traduction résidait finalement dans cette absence de difficulté : il fallait parvenir à rester dans la simplicité, ne pas se laisser tenter par l’ajout éventuel de fioritures, rester au plus près du texte portugais. Et se rendre compte au final qu’en français également, cette simplicité, ce dépouillement mesuré, ciselé, font résonner de puissantes évocations.

Dessin de Luís Rodrigues pour le poème 9

Ce fut un crève-coeur de devoir choisir, parmi ces 101 poèmes tous plus beaux les uns que les autres, une présélection d’une dizaine à proposer à Jentayu, puis de décider ensemble des trois qui allaient être publiés dans la revue. Je suis cependant ravie d’avoir pu partager ces trois poèmes avec des lecteurs francophones, d’avoir pu partager mon plus beau coup de coeur poétique de l’année 2017 !

Dans le numéro 6 de Jentayu, vous pouvez lire les traductions des poèmes 9, 13 et 64. Sur le site Internet de la revue, vous pouvez vous plonger dans les extraits de l’article d’Ana Margarida Ramos que j’ai traduits. J’espère un jour avoir l’opportunité de traduire l’ensemble du recueil. Fernando Sylvan le vaut bien, et les lecteurs francophones aussi !

Dessin de Luís Rodrigues pour le poème 13



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  1. Isabelle Narayana dit :

    Toujours un immense plaisir de vous lire

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