Papillons de mots

A la faveur d’une invitation à exposer, j’ai consacré une grande partie de mon mois de février à travailler sur les oeuvres plastiques de mon projet Capillotractée. Avant de vous en dire plus sur cette exposition à venir dans les tout prochains jours, mais également sur le projet lui-même, je viens vous présenter ici le travail réalisé en ce denier mois d’hiver vécu comme une résidence en ma petite cuisine-atelier.

J’ai d’abord créé un triptyque autour de certains accessoires et parures utilisés pour coiffer et décorer les orchestrations capillaires du cheveu naturel afro. En effet, il suffit d’explorer quelques instants les banques d’images en ligne de coiffures traditionnelles africaines pour constater que depuis toujours, on a fait preuve d’élégance et de sophistication pour mettre en scène le cheveu naturel afro : coquillages, perles, pics, peignes, pagnes de tête…

Voici en détail les trois éléments de ce triptyque :

Ayá signifie « peigne » en langue fon du Bénin. Le mot peut également évoquer un prénom féminin, même si la prononciation n’est pas la même.
Le peigne afro est un accessoire essentiel pour coiffer au quotidien les jolies boucles et frisures du cheveu afro, une fois qu’elles ont été humidifiées. C’est aussi un support de création artistique. On trouve également dans les banques d’image en ligne de superbes photos de peignes anciens en bois, magnifiquement sculptés.
Aujourd’hui encore on peut acheter des peignes en bois décorés de motifs divers : animaux, cases, masques, figures humaines, ou encore le fameux poing levé du Black Power.
Pour ma part, j’ai décidé de « sculpter » mes peignes de divers modèles de coiffures afro et de présenter l’ensemble dans le même esprit que celui des panneaux-affiches en bois que l’on trouve à l’entrée des salons de coiffure dans les rues d’Afrique de l’Ouest.

Ta bla signifie « Attaché de tête » en langue fon du Bénin.
Un hommage à la coquetterie et à la délicatesse dont font preuve les femmes noires dans leurs nouages de pagnes de tête et de foulards. Elles rivalisent d’imagination et de créativité pour créer de véritables sculptures textiles. Petite fille, j’étais toujours en admiration devant ma Maman quand elle se coiffait ainsi, souvent pour accompagner un grand boubou en bazin richement brodé.
Et en clin d’œil, j’ai glissé le profil de l’Afrique dans le nœud de mon Ta bla.

Akwέwό, littéralement « Vieille monnaie/argent d’antan », désigne le cauri en langue fon du Bénin.
Ces coquillages ont en effet servi de moyen de paiement dans les temps anciens. Ils ont notamment été utilisés comme monnaie d’échange contre des esclaves.
C’est un coquillage pour lequel j’ai toujours nourri une tendresse particulière, pour le cauri et l’ensemble des coquillages de la famille des porcelaines. Mon Papa m’a récemment appris que mon arrière-grand-mère paternelle – qui a été razziée en pays Mahi et mise en esclavage à la cour du roi d’Abomey – gardait des cauris dans sa chambre et les considérait comme une somme d’argent alors que ses frères et sœurs et lui n’y voyaient que des coquillages. Peut-être est-ce elle, mon arrière-grand-mère, qui entretient cette tendresse et cette fascination en moi, comme une réappropriation et un pied de nez à l’Histoire…
Toujours est-il que j’aime particulièrement les bijoux et parures de tête en cauris, notamment quand on les glisse dans des coiffures peuls.

Pour suivre l’ensemble du projet Capillotractée depuis le début, c’est par là.