Jo BaCoeur

Le 30 novembre 2021

Malgré les questions et réflexions légitimes que suscite cette panthéonisation, que je partage, en incorrigible optimiste, je me réjouis de cet événement et j’espère qu’il portera les fruits escomptés.  
   
Joséphine Baker ne fait pas partie de mes icônes ni de mon Panthéon personnels. C’est une figure qui m’a toujours tout à la fois fascinée et mise mal à l’aise, pour laquelle j’ai toujours ressenti bien plus de tendresse, voire de compassion, que d’admiration. C’est certainement cette ambivalence qui nourrit l’intérêt que j’éprouve malgré tout pour elle. On peut lui reprocher, voire ne pas lui pardonner, nombre de ses actes et prises de position ; mais on ne peut pas lui nier ses hauts faits. Nous avons toutes et tous en nous des parts d’ombre, voire de monstres. Le choix de panthéoniser Joséphine Baker reste un acte politique, répondant aux enjeux du moment, et demeure questionable. Mais pour ce qui est de la femme elle-même, je veux être indulgente, et croire à ses bonnes intentions, son action positive venant équilibrer ses agissements malheureux. C’est ainsi. Aucun être humain n’est fait d’un bloc.

D’autre part, il me semble malgré tout qu’elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour naviguer entre les stéréotypes de son époque et se jouer d’eux ; et qu’elle s’est ruiné aussi bien les finances que la santé à vouloir réaliser le monde dont elle rêvait, l’entente universelle. En outre, Joséphine Baker n’entrait dans aucune case et était une femme des entre-deux qui m’émeuvent : métisse par ses origines, mais aussi par ses deux nationalités ; amoureuse aussi bien de la terre où elle est née que de celle qui l’a adoptée ; androgyne dont la féminité exacerbée ombrait à peine la garçonne ; bisexuelle aux amours libres ; danseuse de music-hall en uniforme, résistante chanteuse de cabaret ; dame de cœur avant tout. Alors, oui, je me réjouis et j’espère.

J’espère qu’au Panthéon, Joséphine ouvrira la porte à d’autres femmes noires, telles que Solitude, Jane et Paulette Nardal, ou encore Suzanne Césaire.  
Mais ce que j’espère et attends de toute mon âme, ce sont les temps où on ne précisera plus « c’est la/le premier/première Noir.e qui », « c’est la/le premier/première Subsaharien.ne qui » parce que ce sera devenu parfaitement banal.
J’espère et je célèbre à ma manière, en poésie et papier plié, cette journée historique et cette femme à l’extravagance intrépide :

Aux Z de toutes générations 
et autres tristes gribouilleurs  
qui veulent repeindre 
les arcs-en-ciel           
en noir et blanc :        
Les nuances   
persistantes, résistantes         
toujours prennent leur revanche

Tirant son irrévérence
de tout son panache   
Jo BaCoeur    
vous emplume

Patricia Houéfa Grange
Tous droits réservés

Ma composition afrorigami Jo BaCoeur est disponible. Si vous êtes intéressé.e, envoyez-moi un mail (uniquement remis en mains propres sur Bordeaux et métropole).



Envoyer un grain de pollen